Pourquoi la transition bas-carbone n’est plus une option pour les industriels de l’aéronautique ?

Sommaire

La décarbonation du secteur aéronautique est une nécessité » face à l’urgence climatique. Le transport aérien contribue de façon croissante au changement climatique, et toutes les parties prenantes industriels, compagnies, états, sont mobilisées pour bâtir un avenir « durable » à l’aviation. Pour les entreprises du secteur, s’engager dans la transition bas-carbone n’est donc plus un choix facultatif, mais bien une condition de leur pérennité et de leur compétitivité.

 

L’aéronautique en première ligne de la transition climatique

 

Le secteur aéronautique est particulièrement concerné par la transition bas-carbone en raison de son empreinte carbone significative et en forte hausse. En France, l’aviation (vols intérieurs et vols internationaux au départ du territoire) a émis 24,2 millions de tonnes de CO₂ en 2019, soit 85 % de plus qu’en 1990, et représente 5,3 % des émissions nationales (contre 2,2 % il y a 30 ans). Ces chiffres illustrent une croissance rapide du trafic aérien, qui a largement compensé les gains d’efficacité énergétique des nouveaux avions.

 

En effet, malgré une consommation de carburant par passager-kilomètre divisée par plus de deux depuis 1990 grâce aux progrès technologiques, les émissions totales de l’aviation ont plus que doublé, le trafic ayant été multiplié par 4,6 sur la période.

 

Par ailleurs, l’aéronautique est considérée comme un secteur « difficile à décarboner » car les alternatives aux carburants fossiles (comme l’hydrogène, les biocarburants ou l’électricité) demandent des innovations majeures avant de pouvoir remplacer le kérosène à grande échelle. Cela place l’industrie devant un défi de long terme : atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.

 

En octobre 2022, l’ensemble des États de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) ont d’ailleurs adopté un objectif mondial de neutralité carbone du transport aérien à l’horizon 2050, soulignant que le secteur est au premier plan des efforts climatiques mondiaux. En clair, l’aéronautique doit évoluer en priorité non seulement parce qu’elle contribue au réchauffement, mais aussi parce que son avenir économique et technologique en dépend.

 

 

 

Des pressions réglementaires, économiques et sociétales de plus en plus fortes

 

 

Plusieurs pressions extérieures convergent aujourd’hui pour rendre la transition bas-carbone incontournable dans l’aéronautique. Ces pressions sont d’ordre réglementaire, économique et sociétal, créant un environnement où l’inaction n’est plus tolérable.

 

Pressions réglementaires : un cadre de plus en plus strict

 

Les pouvoirs publics, aux niveaux national, européen et international, durcissent progressivement les règles pour forcer la décarbonation du secteur. En France, la loi « Climat et Résilience » de 2021 contient des mesures emblématiques : interdiction de certains vols intérieurs lorsqu’une alternative en train de moins de 2h30 existe, gel des extensions d’aéroports conduisant à une hausse des émissions, et obligation pour les compagnies de compenser les émissions des vols domestiques restants.

 

Au niveau de l’Union européenne, le Pacte vert et le paquet législatif « Fit for 55 » fixent un cap ambitieux : climat neutre en 2050, avec une réduction intermédiaire d’au moins 55 % des émissions nettes d’ici 2030 (par rapport à 1990). Pour y parvenir, l’UE a adopté en 2023 plusieurs régulations spécifiques à l’aviation comme notamment :

 

🔸Le règlement ReFuelEU Aviation, qui impose aux fournisseurs et aux compagnies d’incorporer une part croissante de carburants d’aviation durables (SAF) dans le kérosène. Concrètement, au moins 2 % de SAF dès 2025 devront être mis dans les réservoirs des avions, part qui grimpera progressivement jusqu’à 70 % en 2050.

 

🔸La révision du système d’échange de quotas d’émission (ETS) pour l’aviation, afin d’appliquer pleinement le principe du pollueur-payeur aux vols en Europe. Cela signifie moins d’allocations gratuites et davantage de coûts carbone pour les compagnies aériennes, incitant celles-ci à utiliser des avions plus sobres.

 

🔸 Le règlement AFIR sur les carburants alternatifs, qui prévoit le déploiement d’infrastructures (approvisionnement en électricité, hydrogène, SAF dans les aéroports) pour faciliter l’usage de nouvelles énergies.

 

🔸 La révision de la directive sur la taxation de l’énergie, qui vise notamment à mettre fin à l’exemption de taxe sur le kérosène dans le transport aérien. Bien que cette mesure soit encore en discussion, son principe reflète la volonté d’intégrer le coût climatique dans le prix des billets.

 

 

 

Pressions économiques : compétitivité et coûts du carbone

 

 

Au-delà des lois, l’économie elle-même pousse le secteur à se réinventer. D’abord, le coût élevé et volatil du carburant fossile, souvent premier poste de dépense des compagnies aériennes, incite depuis longtemps à améliorer l’efficacité des avions. Mais désormais s’ajoute le coût du carbone : avec l’extension du marché du carbone européen et d’autres taxes environnementales, émettre du CO₂ aura un prix de plus en plus lourd. Les compagnies clientes feront donc pression pour acquérir des appareils moins gourmands et pouvant fonctionner avec des carburants durables, afin de réduire ces coûts. Un avionneur incapable de proposer des modèles sobres en carbone risque de voir ses ventes décliner au profit d’un concurrent plus innovant sur ce plan.

 

Ensuite, la finance verte et les investisseurs intègrent de plus en plus les critères climat dans leurs décisions. Les entreprises qui ne s’alignent pas sur une trajectoire de décarbonation

s’exposent à un désinvestissement ou à des coûts de financement accrus. À l’inverse, afficher une stratégie bas-carbone ambitieuse peut ouvrir l’accès à des financements publics (subventions, plans de relance verts) ou privés (fonds d’investissement durables) pour soutenir l’innovation.

 

Ainsi, la transition bas-carbone devient un facteur de compétitivité : elle permet de réduire les dépenses futures (énergie, quotas carbone), d’attirer des capitaux, et d’améliorer son image auprès des clients comme des partenaires financiers.

 

Enfin, mentionnons la gestion du risque : en anticipant les normes environnementales à venir, les industriels évitent de futurs coûts d’adaptation en urgence. Par exemple, développer dès maintenant des moteurs compatibles 100% SAF ou hydrogène prépare aux réglementations qui pourraient un jour exiger des vols neutres en carbone. À l’inverse, ignorer ces signaux économiques expose à des actifs échoués (usines ou avions obsolètes prématurément) et à une perte de valeur considérable.

 

👉 Vous êtes responsable RSE dans l’aéronautique ? Ne restez pas seul face à la complexité de la décarbonation : téléchargez notre guide et accélérez votre transition avec méthode, clarté et exemples concrets.

 

 

Pressions sociétales : l’opinion publique et la réputation

 

La société civile joue un rôle croissant dans la transformation de l’aéronautique. Les attentes du grand public en matière climatique sont de plus en plus élevées, et le transport aérien est souvent pointé du doigt dans le débat public. Ces dernières années, l’impact climatique de l’aviation est devenu « une préoccupation sociétale majeure et un enjeu de premier plan pour l’avenir de l’aviation civile ». Des mouvements comme le « flygskam » (la honte de prendre l’avion) nés en Europe du Nord se répandent et poussent certains voyageurs à réduire leurs vols ou à réclamer des alternatives moins polluantes.

 

Conséquence directe : la réputation des acteurs du secteur dépend de leur engagement climatique. Les compagnies aériennes communiquent de plus en plus sur leurs programmes de compensation ou leurs objectifs de neutralité carbone, et attendent de leurs fournisseurs (constructeurs, motoristes) des progrès alignés. De même, les jeunes talents et ingénieurs, sensibles aux enjeux environnementaux, pourront privilégier de rejoindre des entreprises qui innovent pour un avion décarboné plutôt que des acteurs perçus comme « retardataires ». Dans un monde ultra-connecté, une mauvaise image environnementale peut vite se traduire par une perte de confiance des clients et du grand public, voire par des campagnes de boycott ou des actions juridiques d’ONG.

 

Des opportunités d’innovation, de compétitivité et d’anticipation

 

Si la transition bas-carbone est contraignante, elle offre également de réelles opportunités pour l’industrie aéronautique. Loin d’être une menace uniquement, elle peut devenir un levier de croissance durable et de renouvellement technologique pour les industriels qui sauront s’y engager pleinement :

 

🔹 Stimuler l’innovation technologique : La nécessité de décarboner agit comme un puissant moteur d’innovation. De nouvelles générations d’aéronefs se dessinent, intégrant des ruptures technologiques : structures ultra-légères, moteurs de nouvelle architecture (par ex. open rotor à très haut taux de dilution), propulsion hybride ou électrique, hydrogène liquide comme carburant, etc. Ces projets autrefois futuristes deviennent concrets.

 

🔹 Renforcer la compétitivité et le leadership : Être pionnier dans la transition climatique offre un avantage concurrentiel. D’une part, les avions plus économes ou fonctionnant aux énergies propres seront très recherchés par les compagnies aériennes soucieuses de réduire leurs coûts et leur empreinte. Cela peut se traduire par des parts de marché accrues pour le constructeur qui propose l’appareil le plus performant écologiquement.

 

🔹 Anticiper les normes futures et réduire les risques : La transition en cours préfigure des normes environnementales de plus en plus strictes dans les décennies à venir (contraintes sur le bruit, la qualité de l’air, puis peut-être quotas d’émissions individuels par avion, etc.). S’engager dès maintenant permet d’anticiper ces évolutions plutôt que de les subir.

 

 

 

Les risques majeurs de l’inaction

 

 

À l’inverse, ne rien faire ou retarder la transition aurait des conséquences potentiellement désastreuses pour les industriels de l’aéronautique. Parmi les principaux risques de l’inaction, on peut citer :

 

♦️ Perte de parts de marché : Un constructeur qui n’offre pas d’avions suffisamment éco-performants risque de voir ses clients se tourner vers des concurrents plus avancés sur le plan environnemental.

 

♦️ Restrictions d’accès aux marchés : Des marchés entiers pourraient devenir inaccessibles pour les industriels ne satisfaisant pas aux nouvelles exigences. Par exemple, si un pays ou l’UE décide demain que seuls les vols neutres en carbone sont autorisés sur certaines lignes (ou que des taxes très élevées frappent les avions anciens et polluants), les constructeurs n’ayant pas d’appareils conformes se verraient écartés de ces routes.

 

♦️ Coûts et pénalités accrus : Plus le temps passe, plus les mesures pour rattraper le retard seront coûteuses. Des quotas d’émission onéreux, des compensations obligatoires, voire des amendes pour non-respect de normes environnementales pourraient aggraver lourdement les finances des entreprises qui n’auraient pas réduit leurs émissions.

 

♦️ Dégradation de l’image et du capital de marque : Dans un contexte où la responsabilité sociale et environnementale est valorisée, une entreprise perçue comme climato-passive subira un tort d’image. Elle aura du mal à attirer des jeunes talents sensibilisés à la crise climatique, pourra être visée par des campagnes négatives d’ONG, et perdra peut-être la confiance de certains clients (voyageurs ou compagnies) engagés dans des démarches bas-carbone. Cette érosion de la réputation peut indirectement affecter les ventes et même la valorisation boursière de l’entreprise. À l’inverse, les acteurs qui se montrent parties de la solution (et non du problème) gagnent en crédibilité et en soutien public, ce qui est un atout intangible important.

 

Pour conclure

 

La transition bas-carbone de l’aéronautique s’impose comme un passage obligé. Le secteur est à la croisée des chemins : il doit relever le défi climatique pour continuer à prospérer. Les pressions réglementaires, économiques et sociétales ne feront que s’intensifier, rendant l’inaction de moins en moins tenable.

Mais en embrassant ce changement, l’industrie aéronautique peut aussi y trouver l’opportunité de se réinventer, d’innover et de renforcer son excellence.

 

Vous êtes responsable RSE dans l’aéronautique ? téléchargez notre guide

 

➡️ Envie de transformer vos contraintes réglementaires en opportunités stratégiques ? Téléchargez notre guide gratuit pour bâtir une trajectoire climat ambitieuse et réaliste, adaptée aux enjeux de l’aéronautique.

Ces autres articles pourraient aussi vous plaire

Découvrez d’autres articles rédigés par nos soins sur le même sujet.

Vous avez lancé votre stratégie climat… mais êtes-vous sûr d’éviter les erreurs classiques qui sabotent les meilleures intentions ? Dans cet article, nous vous dévoilons les 7 pièges les plus fréquent et surtout, comment les contourner pour transformer vos ambitions bas carbone en résultats concrets.
Faire un Bilan Carbone®, c’est bien. Le transformer en actions concrètes, c’est là que tout commence. Découvrez comment structurer un plan d’action climat réellement efficace.
Faire bouger les lignes, voilà le vrai défi. Vous avez lancé une stratégie climat ambitieuse, réalisé un Bilan Carbone®, identifié vos premiers leviers d’action… et pourtant, l’engagement reste fragile. CODIR peu impliqué, collaborateurs difficilement mobilisés, pression réglementaire croissante… Vous n’êtes pas seul·e.

Études de cas

Ils ont fait appel à nos services

L’entreprise Artouste a fait appel à take[air] pour réaliser son Bilan Carbone et mettre en place un plan d’action efficace pour réduire ses émissions de GES.
Maestria, fabricant de peintures, a réduit ses émissions de GES de 20% grâce à un Bilan Carbone® sur mesure et un plan d'action concret
Regain, fabricant de mailles vise une réduction de 29% de ses émissions de GES d'ici 2030. Découvrez les actions concrètes mises en place !

Contact

Contactez-nous

Laissez-nous un message, un de nos consultants vous recontacte en moins de 48 heures.

Newsletter Carbon[Talk]

Une fois par mois, faites un tour d’horizon de l’actualité climatique directement depuis votre boîte mail !

Retour en haut